Un collage cohérent qui dénonce l'incohérent
Ludwig de Belvalet
La photographie utilisée à la fois comme source et produit de l’œuvre marque le souci de cohérence qui habite l'artiste. Elle ne triche pas : avec pour ressource le produit commun de nos rêves - des amas de photos abandonnées - devenu image collective d’une époque, elle part d’une réalité concrète et objective. Le déchet recyclé devient le reflet de son producteur.
Dans le collage de Gaëlle, la photographie ordinaire devient photographie de l’extra-ordinaire : les images deviennent l’image d’une époque, d’une civilisation.
Par amoncellement, découpage, collage, décadrage, recadrage, empilage, c’est l’origine familiale de l’image qui disparait pour mettre en lumière son origine sociétale. On quitte l’innocence banale du quotidien pour dévoiler le cauchemar coupable d’une société. Lorsque la photographie ordinaire devient extra-ordinaire - extra pour « sortir de » l’habituel – l'art devient une démarche engagée. Des photos récupérées, anonymes, qui, sortant du silence d'un grenier oublié, viennent insulter les habitudes contemporaines. Dans une réflexion sur l’absurdité consumériste, par moquerie et ironie sur notre habitus, elle met en lumière l’obscurité.
Par un dégout ou un rire empathique avec l’artiste, nous nous retrouvons face à nous même.
[...] Pour faire sauter les conventions esthétiques le collage a rompu avec la continuité traditionnelle de l'image peinte : il exhibe sa propre élaboration en tant qu'image et affiche explicitement ses procédés de discontinuité. Mais le collage de Gaëlle s'écarte de ces mouvements qui s'émancipe de la « bonne forme ». Son processus de photomontage s'aligne sur des procédés de classicisme pictural. Ses images forment une nouvelle illusion à des fins de réalisme. Elle efface les procédés au profit d'une nouvelle continuité, constituant le collage comme un amalgame indécelable d'éléments iconographiques. Une composition claire et ordonnée dans laquelle le message s’énonce par contraste. Mais elle utilise le
classicisme pour ne pas être classique. Ici l'art ne répond pas aux besoins de représentation de la politique dominante.
A coherent collage denouncing the incoherent
Ludwig de Belvalet
Photographs used both as the source and the product of the artwork, shows the care for coherence that guides the artist. She doesn’t cheat: her resource is the common product of our dreams – piles of abandoned photographs – as the collective image of an era, she starts from a concrete and objective reality. The recycled waste becomes the image of its producer.
In Gaëlle’s collage, the ordinary photograph becomes photography of the extraordinary: images become images of an era, a civilization.
Through the buildup, cutting, gluing, unframing, reframing, piling, the familial origin disappears to shed light on the societal origin. We leave the innocence of the routine to unveil the guilty nightmare of a society.
When ordinary photograph becomes extraordinary – extra to “exit” from the usual – Art becomes a commitment. Found photographs, anonymous, come out of a forgotten attic; they emerge to offend our contemporary habits. In a reflection on the consumerism absurdity, out of mockery and irony of our predictability, she highlights the obscurity. Trough disgusts or empathy with the artist, we find ourselves facing ourselves.
[...] In order to shatter aesthetics’ conventions, collage broke up with the traditional continuity of the painted picture: it explicitly shows its own elaboration and discontinuity process. But Gaëlle’s collage deviates from these movements emancipated from “the good form”. Her photomontage process follows a classical pictorial process. Her images build a new illusion with realism as a goal. She erases the fabrication process in favor of a new continuity. Building the collage as an undetectable amalgam of iconographic elements, she creates a clear and orderly composition in which the message is enunciated by contrast. But she uses classicism to not be classical. Here the art does not answer the needs for representation of the dominant policy.
Translated by I. Radtke