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Les pierres à images de Gaëlle Foray

A réveiller les morts

Pascal Pique (Musée de l'invisible)

 

Il n’y a pas si longtemps, on croyait que les pierres avaient l’étonnant pouvoir de produire des images. Comme des paysages de ruines, de montagnes ou des personnages, qui peuvent apparaître à la surface de certains marbres, dans des cristaux, des jaspes ou des agates. Les fameuses paésines que l’on pouvait admirer dans de nombreux cabinets de curiosités jusqu’au XVIIIe siècle en sont l’un des meilleurs exemples. Elles font partie des fameuses pierres à images, ou pierres de rêve, qui fascinent l’humanité depuis la nuit des temps. Et dont Gaëlle Foray renouvelle la vision.

 

C’est à son arrivée sur le plateau de Hauteville-Lompnes dans l’Ain, que Gaëlle Foray commence à utiliser des pierres pour ses créations. Tout d’abord des fossiles, collectés lors de promenades, qui ont donné une première œuvre en 2005 intitulée Les serpents, réalisée à partir de rostres de bélemnite. Jusqu’à cette date elle composait essentiellement des collages sous forme de photomontages. Mais c’est surtout à partir de 2015 que les pierres se sont progressivement imposées comme une évidence et ont pris une place prépondérante dans la production de l’artiste. Elles sont devenues une nécessité qui fait écho à certains de ses choix de vie.

 

En premier lieu, celui de venir s’installer sur ce plateau de Hauteville, dans un endroit particulier, sommes toutes assez retiré du monde et très fortement marqué par les éléments. Ce travail avec les pierres est d’ailleurs indissociable d’une certaine forme d’engagement pour les superbes paysages du plateau de Hauteville. L’artiste s’étant mobilisée en luttant politiquement contre certains projets dévastateurs et aberrants, tant du point de vue écologique qu’économique, comme l’installation de canons à neige en plein réchauffement climatique, très en vogue dans la région actuellement.

 

Une mobilisation d’autant plus compréhensible que cette région du Haut-Bugey, qui forme la limite sud du Jura géologique, est connu pour sa relative préservation avec ses magnifiques forêts de sapins, ses reliefs de gorges, ses grottes, ses résurgences avec leurs particularités minéralogiques : fossiles, cristallisations, tufs, pétrifications. Sans oublier la fameuse pierre marbrière ambrée de Hauteville que l’on trouve dans de nombreuses réalisations architecturales et artistiques à travers le monde, comme la statue de la liberté, l’Empire state building à New York, ou le mémorial du camp de concentration du Struthof à Natzwiller.

 

Certes Gaëlle Foray ne travaille pas encore à ces échelles, leur préférant pour l’instant celle plus microscopique de la miniature. Car ses œuvres travaillent aussi la dimension du paysage, mais d’une façon moins imposante et intrusive.

 

Ses créations qui associent des pierres et des images relève à la fois de la sculpture, de la peinture et de la miniature. Leur mise en œuvre consiste à composer dans l’atelier, des scénettes de genre, des paysages ou même des portraits, sur des pierres trouvées, ou plutôt « cueillies » comme le précise l’artiste. En reprenant la technique du photomontage elle ajuste minutieusement sur les pierres, en jouant de leurs reliefs, des fragments de photos de familles, également trouvées, parfois même à la décharge publique, dont elle découpe des parties au scalpel. En jouant également de la fascination que peut exercer la miniature et les changements d’échelles, elle recrée ainsi des micro-mondes qui exercent un pouvoir certain sur le regardeur

 

 

De la puissance séminale lithogène à l’anthropocène

 

Les érudits et les savants se sont longuement interrogé sur le phénomène des fossiles et des pierres à images. Au Moyen-Age, Albert le Grand estime que le monde minéral est habité par un « esprit plastique architectonique ». Au milieu du XVIIe siècle un naturaliste allemand parle d’un « esprit coagulant et gorgonique ». A la même période, plus mesuré et plus scientifique, Pierre Gassendi avance l’hypothèse « d’une puissance séminale lithogène ». Plus récemment au XXe siècle, André Breton qui ramassait des cailloux au bord du Lot parlait même d’une « minéralogie visionnaire » qui agirait sur l’esprit à la manière d’un stupéfiant. Mais qu’auraient-ils tous dit devant l’étonnant paysage que composent les pierres à images de Gaëlle Foray ?

 

C’est justement sur les terres de Gassendi, ou du moins dans le Musée qui lui est consacré à Digne-les-Bains, que Gaëlle Foray a présenté récemment pour l’exposition Pierres de visions, un très bel ensemble de ses compositions associant pierres et images, avec parfois quelques objets comme des jouets ou des bibelots.

 

Invitée à intervenir au cœur du musée, à l’intérieur même des vitrines du département d’histoire naturelles, l’artiste a glissé plusieurs de ses créations sur les étagères bien ordonnées de la classification académique des règnes de la nature. Amenant par là une autre vision de l’ordre des choses, plus vivante et plus sensible. Moins mortifère aussi.

 

Les titres des pièces présentées disent d’abord une vraie préoccupation pour la nature, les animaux et l’environnement. Comme Le tigre malade, ou Tilikum qui rend hommage à la tristement célèbre orque morte début janvier 2017, juste avant l’ouverture de l’exposition. Cette orque qui a été capturée en 1981 a défrayé la chronique après avoir fait trois victime au parc marin d’Orlando. Une autre aberration de la relation que l’humain entretien avec la nature.

 

Ne sommes-nous pas en effet à l’heure de l’anthropocène, nouvelle ère géologique caractérisée par le fait que pour la première fois depuis 4,5 milliard d’années, l’humain a pris le pas sur l’évolution naturelle de la planète. Jusqu’à imprimer et modifier l’évolution géologique elle-même. Cette période se caractérise aussi par une réduction sévère de la biodiversité à l’heure où l’on parle déjà de la sixième extinction massive des espèces vivantes.

 

Gaëlle Foray est plus que concernée par ces questions. Ses paysages minéraux répondent à cette situation qu’ils exorcisent en quelque sorte.

 

Comme avec les pierres paysages dédiés aux arbres et à la forêt, qui sont un autre sujet de prédilection pour l’artiste. Deux très belles sculptures intitulées justement « Forêt », sont constituées de blocs de calcaire du plateau de Hauteville associés à des rostres de bélemnite plantés dessus comme des sapins. Le sous-titre « vue de l’atelier » dit simplement toute la proximité et l’intimité de l’artiste avec son sujet qui est également son milieu.

 

D’autres compositions fonctionnent à la manière de haïkus visuels ou de memento mori qui célèbrent l’évanescence des choses en lien avec la nature et les éléments. Paradis associe par exemple une image de fleur d’hibiscus à une géode du Bugey. Zone de vacances, montre une femme dans un transat en pleine séance de bronzage avec à l’arrière plan, le pont du Golden Gate à Los Angeles. Il y a aussi Point d’eau, ou l’étonnant Scriiitchh, avec une photo de vieux poste de télévision produisant de la neige télévisuelle posé sur une pierre qui semble le magnétiser. Et puis aussi Tranche d’âge où l’on voit un homme préhistorique passer devant une sorte de tuf évoquant un buisson. On pense à l’homme de Neandertal.

 

 

Questions de survies et de transhistoire

 

Cette petite pièce en particulier a quelque chose de très fort. Elle est à la fois touchante, subtile et énigmatique. Probablement parce qu’elle nous renvoie directement au mystère de la relation entre la pierre et l’image, qui habite l’art de Gaëlle Foray. Il n’est d’ailleurs pas exclu que Neandertal soit celui qui a inventé l’image. Au regard des recherches actuelles sur les grottes ornées, des préhistoriens envisagent même que cette invention de l’image soit intimement liée à la dimension lithique, et à une relation intime que l’humain entretenait alors à la pierre et au rocher.

 

La racine du mot image, avec le terme même d’Imago provient d’une pratique rituelle qui consistait dans le monde gréco-romain, à prendre l’emprunte du visage des défunts de la famille dans des masques de cire d’abeille. L’ancêtre de la photo de famille en quelque sorte. Il s’agit possiblement d’une réminiscence de pratiques bien plus anciennes apparues à partir du moment où l’être humain, en célébrant ses morts, a mis en place une double culture de la survie. Sans doute aussi avec Neandertal.

 

Car ici le terme de survie est à prendre au double sens du terme : tout d’abord celui de survivre dans des conditions difficiles ou hostiles, mais aussi de la survie au sens d’une vie après la vie, d‘un au-delà et d’une forme de survie des âmes. Cette croyance étant le pivot des cultures de l’Invisible à travers le monde qui s’originent indéniablement dans les cultures chamaniques des chasseurs cueilleurs et de leur relation profonde avec la nature. N’oublions pas que l’image parle d’abord de cela. Qu’elle est avant tout l’ombre des morts et dans une certaine mesure, une sorte de fantôme.

 

Mais qu’est-ce qui relie plus précisément ces différents points chez Gaëlle Foray ? A savoir les fossiles, les cristaux ou les pierres plus banales, et les images à travers les photos de familles ? Que veulent nous dire ses pierres à image ? Quel esprit les habite ? Et plus généralement, qu’est-ce qui se joue aujourd’hui entre la pierre et l’image alors que l’on assiste à un retour en force des pierres dans l’art contemporain ? Ce sont les questions que nous posent ce travail assez unique de Gaëlle Foray.

 

On peut déjà constater que les fossiles et les images partagent à l’évidence une même dimension temporelle chez Gaëlle Foray. Plutôt celle de fenêtre temporelle ou de mémoire de vécus révolus, que de marqueur. Avec les fossiles cela met en jeu une perception de l’échelle géologique et de la macro histoire. Pour les images, qui sont aussi à voir comme des fossiles du temps présent, nous sommes plus dans une micro histoire.

 

Clairement, le travail de Gaëlle Foray consiste à établir un point de jonction, un trait d’union entre ces deux temporalités en installant une forme de perspective transhistorique. Les œuvres jouant le rôle de machines à voyager dans le temps de cette transhistoire. C’est donc moins le temps passé qui est important ici, que son actualisation, ou sa remise en vie dans une véritable ressuscitation.

 

Il y a un autre point commun aussi chez Gaëlle Foray entre fossiles/pierres/images, qui relève de la méthode de travail de l’artiste et de la valeur qu’elle donne, ou plutôt qu’elle redonne aux choses. Dans les deux cas, il s’agit d’éléments trouvés, recyclés et revitalisés à travers l’art. Ce qui renvoie à l’engagement écologique de l’artiste, ou plus largement au rapport qu’elle entretien avec une nature dans laquelle elle a grandi et qui constitue son véritable biotope. Bien plus que la ville ou le contexte urbain.

 

En composant ses mini mondes, Gaëlle Foray nous renvoie également à des affects profonds qui constituent nos histoires individuelles et collectives. Dans une sorte de mise au jour de nos mémoires affectives. Elle fait également écho à une poétique des pierres telle qu’a pu la pratiquer Roger Caillois par exemple, en s’inspirant des motifs de tranches d’agate, où des fameuses pierres paysagères, comme prétexte d’écriture.

 

 

Quand les pierres parlent aux images

 

Toutefois, la poétique de Gaëlle Foray est différente. Les pierres ne sont pas pour elle un prétexte. L’artiste propose même une forme de communauté de destin renouvelée entre la pierre et l’image, et donc l’humain, dans la mesure où l’un et l’autre s’animent mutuellement. Ils fusionnent même, comme si c’était la pierre qui délivrait son propre paysage ou sa propre vision des choses.

 

La question de la relation entre la pierre et l’image est importante. C’est même l’une des grandes énigmes de l’histoire de l’art que croise ici Gaëlle Foray avec son travail. Ce qui en précise d’ailleurs l’une des dimensions importantes et la portée.

 

Concernant l’apparition des premières images à travers la peinture dans l’art à l’époque préhistorique, on a longtemps considéré que c’était l’humain qui avait projeté sur les parois des grottes des scènes de chasses où autres représentation animalières qu’il voyait autour de lui. Comme on projetterait aujourd’hui un film ou des phantasmes sur un support, et que la paroi du rocher était déjà une sorte d’écran réceptacle de nos projections mentales. A l’image de la toile du peintre ou la feuille de papier du dessinateur d’aujourd’hui, ou de l’écran de cinéma, dans un rapport de reproduction, de transfert et trop souvent de placage.

 

Cette question longtemps considérée comme étant réglée a été rouverte récemment avec les découvertes effectuées dans les grottes ornées de Chauvet Pont-d’Arc ou de Cosquer, qui sont en train de révolutionner notre vision occidentale de l’art et de son histoire. Tout en bousculant la chronologie de la conception évolutionniste et progressiste de la culture humaine.

 

Pour faire simple et rapide, on est en train de comprendre que c’est la paroi et la pierre qui ont parlé et dicté aux artistes de l’époque ce qu’ils avaient à y peindre. Et non l’inverse. Notamment quand les premiers artistes ont prolongé les lignes de reliefs existants pour tracer le corps d’un mammouth, d’un bison ou d’un poisson. Comme si les âmes des animaux sortaient littéralement de la pierre et de la montagne par les grottes. Et qu’il était nécessaire pour les premiers artistes de l’époque, de pénétrer au plus profond du rocher, afin d’allez y quérir leur propre existence. Comme dans un acte de vision et de parturience, pour ramener la vie de l’outre monde, la faire surgir de derrière la paroi du rocher, depuis l’intérieur même de la pierre où elle se trouverait. L’image naissante pourrait être le signe de cette quête de la vie et de la survie.

 

 

L’étonnante énergie des pierres et des cristaux

 

On a voulu expliquer la naissance de certaines images, notamment dans les grottes, par la paréidolie. Il s’agit d’un phénomène neurocognitif qui fonde nos perceptions visuelles, sur la reconnaissance de forme existantes déjà vues, qui vont donner de nouvelles configurations et significations. Comme par exemple le fait de voir une chèvre dessinées les nuages. La paréidolie qui peut effectivement être un moyen intéressant pour expliciter et rationnaliser le phénomène visionnaire, notamment dans la relation pierre/image, n’est cependant pas suffisante

 

En d’autres termes, l’apparition de l’image ne semble pas résulter seulement de l’imagination et d’un travail mental, mais dépendrait d’une véritable interrelation avec certaines forces de la nature, impliquant sans doute une relation énergétique au support qu’à pu être le rocher ou la pierre.

 

A cet égard, la paréidolie ne nous dit pas grand chose pour l’instant des paléo-perceptions que l’homme moderne a sans doute perdues ou inhibées. Des perceptions qui ne sont sans doute pas que du ressort des images, mais qui engagent probablement le ressenti de certaines énergies. Ce qui est lié à l’immersion et à l’observation en milieu naturel. Et que l’on peut-être a du mal à percevoir, donc à concevoir aujourd’hui.

 

Les œuvres d’art permettent de saisir quelque chose de ces phénomènes. Probablement en gardent-elles la mémoire. De même qu’une part de l’énergétique des vécus qui correspondent à leur émergence. C’est du moins l’hypothèse que travaille le Musée de l’Invisible avec le projet Pierres de visions en particulier, ou celui dédié aux arbres, qui propose à des artistes contemporains de littéralement « collaborer » avec le monde minéral ou végétal.

 

Avec ses pierres à images Gaëlle Foray cristallise plusieurs de ces dimensions. Et de nouvelles aussi. Elle dit d’ailleurs elle-même ressentir une énergie et une dynamique propre à ce travail et à cette famille d’œuvres. Quelque chose de quasi magnétique comparable, une sorte d’attraction étrange que la rencontre des pierres et des images produirait sur elle et la pousserait à créer. On peut d’ailleurs remarquer la présence de cristallisations et de géodes dans certaines de ses œuvres, ce qui n’est pas anodin. Car les cristaux ont une énergétique particulière qui peut favoriser la création.

 

Dans ses écrits Mircea Eliade rapporte une pratique des aborigène d’Australie avec les cristaux de roche. Il s’agit d’un rituel d’initiation des jeunes chamanes ou medecine man qui consiste à les faire séjourner sous terre après avoir ingéré des petits cristaux de roche. Ces cristaux leur permettant d’acquérir certains pouvoirs comme celui de voir en transparence à travers les choses et les corps, par exemple pour soigner. Mais aussi pour voyager à travers l’espace-temps afin de consulter les ancêtres du temps du rêve.

 

On a trouvé quelques uns de ces cristaux sciemment disposés de manière particulière dans des grottes préhistoriques en Europe. Les mêmes que Gaëlle Foray peut utiliser pour certaines de ses pièces. Il est vrai que le cristal aurait certaines propriétés énergisantes et communicationnelles. Il permettrait autant de s’ancrer dans la dimension terrestre de l’ici-bas, les pieds bien sur terre, que de batifoler dans les dimensions aériennes et célestes de l’au-delà. Ils permettent de conscientiser et de faire circuler les énergies tout en se libérant de certaines mémoires émotionnelles … N’est-ce pas ce qui se passe précisément dans l’art de Gaëlle Foray ?

 

N’oublions pas non plus que les cristaux de roche sont de fantastiques conducteurs utilisé dans les technologies de pointes et le numérique. Au delà du minéral, on parle même actuellement de cristaux temporels qui permettraient d’accéder à la mémoire quantique et à la nature inconnue de l’espace-temps.

 

 

Vers un animisme révolutionnaire

 

Quand on l’interroge sur la manière dont elle marie les pierres et les images, Gaëlle Foray évoque une sorte d’aimantation entre les pôles que représentent ses deux ingrédients privilégiés. Rares sont les œuvres prédéterminées et écrites à l’avance. La plupart d’entre elles résultent d’une mise en relation des éléments dans l’atelier jusqu’à ce qu’une histoire prenne forme et que l’œuvre se cristallise. Au gré d’une sorte de hasard subjectif, qui fait que la bonne pierre va trouver la bonne image. Ou vice versa.

 

Dès lors quel serait le rôle véritable de l’artiste dans ce drôle de jeu, qui dans une certaine mesure lui échappe ? En premier lieu, on a vu que son action consiste à collecter les pierres comme les images. Gaëlle Foray préfère le terme de « cueillir ». On pourrait presque dire accueillir, comme s’il s’agissait de personnes vivantes. L’artiste parle même « d’adoption ». Car dans ce geste de la cueillette, il y a aussi quelque chose de l’ordre du sauvetage, ou la conjuration de la perte, de l’oubli et de la mort. En particulier pour toutes les personnes des photos de familles, dont on peut imaginer que certaines ont disparues, et qui reprennent vie à travers les œuvres. A cet égard on peut dire que l’artiste leur redonne une existence et une âme. Un peu comme Jésus, Gaëlle Foray réveille les morts.

 

De ce point de vue, et sans présager d’aucune spiritualité particulière, on peut dire que Gaëlle Foray serait plutôt cueilleuse que chasseuse. Même si sa quête des photographies de famille s’apparente à une forme de traque. Elle partagerait même avec la culture des chasseurs-cueilleurs qui a précédé la notre, une forme d’animisme à travers le ré-âmage auquel elle procède. Un animisme engagé, certes plutôt laïque et de gauche, voire même révolutionnaire la concernant. En tous cas un animisme militant, qui voudrait remettre l’image et l’humain en phase avec la nature et l’environnement à travers les pierres.

 

C’est sans doute à ce prix que notre culture contemporaine occidentale mondialisée retrouvera une certaine forme de cohésion avec la nature, et donc de respect pour son environnement. Non plus en les considérant comme des objets de domination, de convoitise et d’exploitation, mais comme faisant partie avec elle, du même cycle du vivant.

 

Remettre l’image sur la pierre n’est donc pas un geste anodin. C’est un geste important. Car il consiste d’abord à retrouver un point d’ancrage pour l’image et pour l’humain. Mais c’est surtout un geste précieux et presque sacré où se cristallise le passé, le présent et le futur de nos existences. Les micro mondes de Gaëlle Foray pouvant alors être vus comme autant de petites conjurations, pour éviter que nos existences ne deviennent trop vite les fossiles d’un futur ruiné. A moins que l’artiste ne s’adresse à des presque déjà morts. Ce que nous sommes aussi.

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